event 09 mars 2020

Nexus Blog // Possibilités d’apprentissage mutuel? Les barrages GERD et Fomi: relations transfrontalières et pensée Nexus au Sahel

Luca Ferrini & Lucia Benavides. Plus de 500 millions de personnes en Afrique subsaharienne n'ont toujours pas accès à l'électricité. La croissance de la population couplée à l'industrialisation signifie une demande d'énergie en forte croissance. La grande confiance existante dans la technique hydroélectrique et son association avec l’énergie renouvelable incite les pays et les donateurs à optent souvent pour des investissements dans de grandes infrastructures hydroélectriques afin de répondre aux besoins énergétiques urgents. Dans les dialogues Nexus du bassin du Niger, l'hydroélectricité est également un thème clé. Des barrages polyvalents sont prévus dans différentes zones du bassin. Bien que l'hydroélectricité soit l'un des aspects des barrages prévus et souvent le plus attractif du point de vue financier, des négociations intenses sont en cours sur le poids relatif à accorder à d'autres aspects de l'exploitation des barrages polyvalents, notamment l'irrigation, la régulation du débit d'eau et la protection des services écosystémiques. Celles-ci sont clairement des questions Nexus. Quelles sont les expériences que nous pouvons apprendre de différentes régions d’Afrique pour appliquer l’approche Nexus à de tels grands barrages polyvalents ? Dans cet article, nous examinons deux cas situés aux extrémités opposées du Sahel: le grand barrage de la renaissance Éthiopienne (GERD) et le barrage de Fomi en Guinée.

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The Grand Ethiopian Renaissance Dam (GERD)

Les travaux de construction du Grand Barrage de la Renaissance Éthiopienne (GERD), situé sur le Nil Bleu en Éthiopie, ont commencé fin de 2010, 40 km à l'est de la frontière soudanaise. Avec une longueur de paroi de 1,8 km et une capacité de 74 millions de mètres cube, il est prévu d’être le plus grand barrage d’Afrique une fois achevé. La production énergétique actuelle de l’Éthiopie serait alors presque doublée, passant de 3 200 à 6 000 MW. Situé près de la frontière soudanaise, le GERD devra retenir l’écoulement du fleuve vers le Soudan et l’Égypte, dont la production alimentaire dépend fortement des inondations régulières du Nil. L’Égypte s’inquiète d’une possible une réduction importante du débit d’eau et, partant, d’une de l’approvisionnement en eau potable et de la productivité agricole, ainsi que des répercussions sur l’activité industrielle. GERD a, par inadvertance, aggravé le conflit entre ces États, ce qui a conduit à des négociations itératives dans lesquelles les trois pays semblent maintenant s'acheminer vers une solution.

L’Éthiopie s’est engagée à créer un groupe indépendant d’étude scientifique chargé d’examiner différents scénarios et de trouver le meilleur moyen d’opérer le barrage de manière à assurer un accès équitable et sûr à l’eau du Nil pour les trois pays et pour tous les acteurs concernés. En outre, une commission tripartite pour traiter les thèmes d’infrastructures sur le Nil a également été créée, pour permettre aux trois pays de discuter conjointement des futurs projets impliquant le Nil.

Le barrage Fomi

Ce barrage, près du village guinéen de Fomi, doit retenir la rivière Niandan 30 km en amont de sa confluence avec le Niger. Si construit, il aurait une puissance d'environ 100 MW et pourrait fournir 374 GWh, ce qui représente 3% des besoins nationaux totaux estimés pour 2030. Le projet devrait fournir un réservoir d'eau pour l'irrigation d'environ 100 000 ha de terres agricoles en Guinée, 200 000 ha au Mali et fournir des zones pour la pêche et la pisciculture. La position du barrage, en tête du bassin du fleuve Niger, signifie des enjeux importants pour le Mali, le Niger, le Benin et le Nigéria, pays traversés par le fleuve en aval de Fomi (voir notre article sur cette plate-forme en EN et FR). Certaines des discussions actuelles comprennent par exemple les impacts que les changements de régime du fleuve Niger pourraient avoir sur les activités agricoles et économiques des pays en aval. En outre, le fait que des écosystèmes clés, tels que le Delta Intérieur du fleuve Niger au Mali (DIN) seraient touchés, affectant au moins deux millions de personnes dont les moyens de subsistance dépendent de l’équilibre de cette zone humide Ramsar.

Sous la coordination de l'Autorité du Bassin du Niger (ABN), les parties prenantes du barrage de Fomi peuvent trouver des solutions grâce à la planification multilatérale d'un barrage polyvalent (voir notre article sur le barrage de Fomi en EN et en FR), tout en abordant questions de partage des couts-bénéfices et de préservation des écosystèmes. Le projet a déjà été identifié comme une priorité par les neuf pays qui conforment l’ABN, et plusieurs ateliers et réunions ont été organisés. En conséquence, le barrage a été inclus dans le plan de développement régional approuvé en tant qu'outil clé de la planification multisectorielle.

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Quelles sont les possibilités d'apprentissage mutuel dans le cadre de ces deux projets?

Les deux cas ont une situation commune : des décisions complexes concernant une ressource en eau critique. Les deux projets peuvent avoir des impacts sur la foresterie, l'agriculture irriguée, la pêche, les écosystèmes voisins et en aval, et l'approvisionnement en électricité.

L'initiative du bassin du Nil (NBI), crée en 2011 entre l'Éthiopie, le Soudan et l'Égypte, pourrait bénéficier des enseignements tirés des négociations sur les barrages de la FOMI et des processus de planification multilatéraux. Cela s'applique en particulier aux méthodes qui évaluent collectivement les compromis sectoriels des barrages polyvalents afin de maximiser les avantages entre tous les intérêts et parties prenantes dans un cadre international.

En outre, le NBI et l'ABN pourraient échanger leurs expériences sur plusieurs questions, allant de la génération de données à la médiation dans des conflits. Par exemple, le NBI a eu une participation marginale dans le conflit GERD, mais un mandat et un rôle de médiation plus forts pourraient lui permettre de devenir un acteur clé de la gestion et de la médiation dans les négociations multilatérales de futurs projets sur le Nil. Les 30 années d’expérience de la NBA dans ce domaine pourraient certainement s’avérer utiles à la NBI à cet égard.

L’ABN pourrait, à son tour, tirer parti de l’expérience de la NBI dans la collections de informations d’intérêt sur le bassin (allant des études techniques aux instruments de politique) et sa systématisation dans un site Web accessible comprenant des données scientifiques et des rapports sur la santé du fleuve, et même des cours de formation en ligne.

Dans l'ensemble, l'échange de connaissances et de pratiques au niveau régional peut être considéré comme un outil puissant pour améliorer les capacités des parties prenantes à gérer les conflits liés aux ressources de manière plus efficace et plus fructueuse pour toutes les parties coopérantes.

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